À la recherche du développement durable et de l’investissement durable dans le projet d’accord de l’OMC sur la facilitation de l’investissement pour le développement

Le 16 décembre 2022, les co-coordonnateurs des discussions structurées de l’OMC sur la facilitation de l’investissement pour le développement ont distribué un nouveau texte de négociation aux membres de l’OMC participant à l’initiative, le projet d’accord FID (« projet d’accord FID »)[2]. Le projet d’accord FID est un texte de « convergence » couvrant les sept sections principales à inclure dans un futur accord[3]. Comme le décrivent les co-coordonnateurs, le projet d’accord FID représente « une étape importante vers la conclusion d’un Accord de l’OMC sur la facilitation de l’investissement pour le développement »[4] qui permettra « d’aider les Membres à attirer, à retenir et à accroître les flux d’investissement étranger direct pour parvenir à un développement durable »[5]. Le projet d’accord FID étant désormais à un stade très avancé, l’objectif des co-coordonnateurs est de finaliser le texte au cours du premier semestre de 2023 en vue d’une adoption de l’accord à la prochaine Conférence ministérielle de l’OMC de février 2024[6].

Le projet d’accord FID et le développement durable

Au cours des cinq dernières années de discussions, les membres de l’OMC participant à l’initiative ont indiqué à plusieurs reprises que l’objectif de leurs travaux n’était pas de promouvoir la facilitation de l’investissement en tant que telle, mais plutôt de promouvoir l’investissement pour le développement et, en particulier, le développement durable. Le développement durable n’a jamais été défini au cours des négociations, même si l’on peut supposer que les négociateurs avaient à l’esprit une définition proche de celle utilisée par les Nations Unies : « un développement qui satisfait les besoins actuels sans compromettre la satisfaction des besoins des générations futures »[7] et qui cherche à trouver un équilibre entre « [l]e développement économique, le développement social et la protection de l’environnement »[8].

Compte tenu de l’objectif affiché de produire un accord axé sur le développement durable, il a été suggéré au cours des négociations qu’un accord sur la facilitation de l’investissement devrait inclure des dispositions visant spécifiquement l’investissement en faveur du développement durable[9]. Les négociations n’ont toutefois pas suivi cette approche. L’actuel projet d’accord FID ne contient aucune disposition opérationnelle visant à faciliter l’investissement au service du développement durable[10]. Au lieu de cela, le projet d’accord FID établit un cadre d’obligations en matière de facilitation qui s’appliquent à tous les IDE, qu’ils soient ou non enclins à promouvoir le développement durable. À cet égard, le projet d’accord FID ne diffère pas des projets de texte précédents produits dans le cadre des négociations.

En l’absence de dispositions visant à faciliter l’investissement durable en tant que tel, il semble que la question de savoir si et comment les États peuvent donner la priorité ou cibler la facilitation de l’investissement pour le développement durable soit laissée à l’appréciation de chaque État, sous réserve des obligations générales du projet d’accord FID. Cette approche soulève donc la question de savoir si les obligations du projet d’accord FID laissent une marge de manœuvre suffisante aux États pour donner la priorité à la facilitation de l’investissement pour le développement durable dans le cadre de leur politique nationale.

La plupart des disciplines du projet d’accord FID abordent les aspects procéduraux de l’environnement juridique de l’investissement, tels que la publication d’informations pertinentes relatives à l’investissement et la simplification des procédures administratives, plutôt que des choix politiques de fond (par exemple, les marchés publics et les programmes de subventions préférentiels ne sont pas couverts)[11]. En outre, la plupart des disciplines créées sont sujettes à d’importantes réserves, c’est-à-dire qu’elles ne sont obligatoires que « dans la mesure du possible » ou dans la mesure où elles sont compatibles avec le système juridique de l’État[12], ou les membres sont seulement tenus de « s’efforcer » d’atteindre un certain résultat en matière de facilitation, ou, dans certains cas, simplement « encouragés » à envisager l’adoption de certaines mesures de facilitation[13].

En outre, s’agissant des obligations « contraignantes » du projet d’accord FID, dans certains cas, le texte est libellé de manière à réaffirmer le droit des membres à faire des choix politiques en matière de facilitation de l’investissement qui pourraient inclure la promotion des investissements en faveur du développement durable. Ainsi, par exemple, l’article 13, qui énonce l’exigence générale selon laquelle les procédures d’autorisation des investissements ne doivent pas « compliquer ou retarder indûment les activités d’investissement » et exige que les mesures relatives aux autorisations soient « fondées sur des critères objectifs et transparents », inclut également une note de bas de page précisant que ces critères peuvent inclure la capacité de l’investisseur d’opérer « conformément aux prescriptions réglementaires d’un Membre, telles que les prescriptions en matière de santé et d’environnement »[14]. En revanche, l’article 12, qui exige de manière générale que « toutes les mesures d’application générale » relatives à l’IED soient « administrées de manière raisonnable, objective et impartiale », ne contient aucune précision similaire quant à l’importance de prendre en compte les exigences sanitaires et environnementales à l’heure de respecter cette discipline. Ce manque de parallélisme peut soulever des questions quant à l’interprétation et à l’application futures de certaines dispositions de l’accord FID.

De même, la disposition NPF de l’article 4 ne précise pas si la détermination des « circonstances similaires » pourrait tenir compte de la durabilité relative des divers investissements. À cet égard, le texte du projet d’accord FID aurait pu tirer des enseignements de la pratique récente de certains traités de protection des investissements, qui précisent que « [l]a question de savoir si un traitement est accordé dans des circonstances similaires, dépend de l’ensemble des circonstances, y compris de la question de savoir si le traitement en question établit une distinction entre les investisseurs ou entre les investissements sur la base d’objectifs légitimes de politique publique »[15].

Le projet d’accord FID et l’investissement durable

Bien que le projet d’accord FID ne contienne aucune disposition relative à la facilitation de l’investissement pour le développement durable, il aborde directement le concept d’« investissement durable » dans deux dispositions de la section VI. Cependant, comme pour le « développement durable », le projet d’accord FID ne définit pas l’« investissement durable »[16].

La première disposition relative au développement durable est l’article 30, dans lequel les membres s’engagent à « encourager » les investisseurs opérant sur leur territoire « à incorporer volontairement » les principes, normes et lignes directrices internationalement reconnus relatifs à la conduite responsable des entreprises « qui ont été approuvés ou sont soutenus par ce Membre »[17]. La deuxième disposition est l’article 31, dans lequel les membres s’engagent à « veiller » à ce que des mesures soient prises pour prévenir et combattre la corruption « conformément à son système juridique »[18]. Ces dispositions imposent des obligations minimales en matière d’investissement durable et, notamment en ce qui concerne la « conduite responsable des entreprises », l’obligation ne s’adresse qu’à l’État d’accueil de l’investissement. En d’autres termes, les États d’origine des investisseurs n’ont aucune obligation s’agissant de la conduite de leurs investisseurs à l’étranger. Enfin, il convient de noter que bien que ces dispositions semblent imposer des obligations minimales aux membres, celles-ci sont expressément exclues des dispositions du projet d’accord FID relatives au règlement des différends dans l’article 35.4. Ce sont les seules dispositions du projet d’accord FID qui sont exclues de la sorte.

Conclusion

L’absence dans le projet d’accord FID de dispositions opérationnelles visant à faciliter spécifiquement l’investissement pour le développement durable et l’absence d’obligations contraignantes pour les membres en matière d’investissement durable sont cohérentes avec les projets de texte antérieurs produits au cours des négociations[19]. Compte tenu de l’état d’avancement des négociations, il est très peu probable que cela change. En revanche, il semble que chaque État individuel demeurera libre de choisir de donner la priorité ou de cibler la facilitation de l’investissement pour le développement durable, et le cas échéant, de la manière de le faire, sous réserve des obligations générales du projet d’accord FID, et ce même après l’entrée en vigueur du futur accord FID. Par conséquent, la mouture finale du texte de négociation devra veiller à ce que le texte ne limite pas la capacité des membres de donner la priorité à l’investissement pour le développement durable pour eux-mêmes.


Auteur(e)s

N. Jansen Calamita [1]*


Notes

[1]* Responsable du droit et de la politique d’investissement, Centre de droit international, Université nationale de Singapour ; professeur associé de recherche, Faculté de droit, Université nationale de Singapour

[2] Discussions structurées de l’OMC sur la facilitation de l’investissement pour le développement : Projet d’accord FID, INF/IFD/RD/124 (16 déc. 2022). Le document en question n’étant pas publiquement disponible, toutes les citations dans le présent article sont basées sur une traduction non officielle du texte (n.d.l.t.).

[3] Discussions structurées de l’OMC sur la facilitation de l’investissement pour le développement – Déclaration des co-coordonnateurs, INF/IFD/W/46 (16 déc. 2022), para. 4 : (I) « Portée et principes généraux » ; (II) « Transparence des mesures concernant les investissements » ; (III) « Simplification et accélération des procédures administratives » ; (IV) « Points de coordination, cohérence de la réglementation intérieure et coopération transfrontières » ; (V) « Traitement spécial et différencié pour les pays en développement et les pays les moins avancés Membres » ; (VI) « Investissement durable » ; et (VII) « Dispositions institutionnelles et dispositions finales ».

[4] Ibid, paragraphe 2.

[5] Ibid, paragraphe 6.

[6] Ibid, paragraphe 10.

[7] Assemblée générale des Nations Unies. (1987). Rapport de la Commission mondiale pour l’environnement et le développement (A/RES/42/187). https://digitallibrary.un.org/record/153026/files/A_RES_42_187-FR.pdf?ln=en, paragraphe 27.

[8] Assemblée générale des Nations Unies. (1997. Programme relatif à la poursuite de la mise en œuvre d’Action 21 (A/RES/S-19/2). https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N97/774/74/PDF/N9777474.pdf?OpenElement, paragraphe 23.

[9] Par exemple, les dispositions visant à « faciliter [], en priorité, l’« IED durable », c’est-à-dire l’IED qui présente certaines « caractéristiques de durabilité de l’IED » ». Voir Sauvant, K. P. & Mann, H. (2019). Making FDI more sustainable: Towards an indicative list of FDI sustainability characteristics. Journal of World Investment & Trade. Voir également Jansen Calamita, N. (2020). Multilateralizing investment facilitation at the WTO: Looking for the added value. Journal of International Economic Law, 23 973-988.

[10] Le développement durable n’est abordé qu’en relation avec l’objet et le but du projet d’accord FID et son contexte. Voir, par exemple, l’art. 1.1 qui décrit les obligations créées « comme un moyen pour faciliter les flux d’investissements étrangers directs entre les Membres, en particulier vers les pays en développement et les pays les moins avancés Membres, dans le but de favoriser le développement durable ». Voir également le préambule ; « reconnaissant » l’importance de l’investissement pour, entre autres, « la promotion du développement durable » et « la réalisation des Objectifs de développement durable du Programme à l’horizon 2030 des Nations Unies ».

[11] Art. 2.5.

[12] Voir, par exemple, l’art. 5.2 : « Lors de la publication d’une nouvelle loi ou réglementation … ou une modification de celle-ci, ou avant cette publication, dans la mesure du possible et conformément à son système juridique pour l’adoption de mesures, un Membre s’efforcera d’expliquer l’objet et la raison d’être de la loi ou de la réglementation » (italique ajouté).

[13] Voir, par exemple, l’art. 20.2 : « Chaque Membre est encouragé à réexaminer périodiquement ses frais d’autorisation en vue d’en réduire le nombre et la diversité » (italique ajouté).

[14] Voir l’art. 13.2(a), n. 14.

[15] Modèle d’accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers du Canada (2021), art. 5.4.

[16] En termes généraux, l’investissement durable peut être considéré comme un investissement commercialement viable qui contribue à une croissance économique soutenue, socialement inclusive, écologiquement durable, qui suit des pratiques responsables des entreprises et qui contribue au développement durable. Voir Jansen Calamita, N. & Schacherer, S. (2022). Investment facilitation for sustainable development within the context of the Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP), the ASEAN Investment Facilitation Framework (AIFF) and the WTO Draft Investment Facilitation Framework for Development (Travaux de l’UNESCAP sur le commerce, l’investissement et l’innovation n°96), 9-10. https://www.unescap.org/kp/2022/investment-facilitation-sustainable-development-within-context-regional-comprehensive.

[17] Projet d’accord FID, art. 30.1. Voir également l’art. 30.2, qui note que les membres « devraient encourager » les investisseurs à mener un « engagement et un dialogue » avec les peuples autochtones et les communautés locales conformément aux principes de la conduite responsable des entreprises » qui ont été approuvés ou sont soutenus par ce Membre » et « dans la mesure où cela est conforme à son système juridique ».

[18] Projet d’accord FID, art. 31.1.

[19] Voir, par exemple, les discussions structurées de l’OMC sur la facilitation de l’investissement pour le développement : Texte consolidé informel, INF/IFD/RD/50 (22 avril 2020).

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