Des questions clés subsistent alors que les gouvernements annoncent un « accord de principe » pour un traité sur la Charte de l’énergie modernisé

Après un long processus de négociation, les Parties contractantes, lors de la Conférence sur la Charte de l’énergie du 24 juin, sont parvenues à un accord de principe pour moderniser le Energy Charter Treaty (TCE) – un traité d’investissement obsolète qui protège les investisseurs des combustibles fossiles au détriment de l’importante action pour le climat.

Le bref communiqué du Secrétariat de la Charte de l’énergie fournit un résumé non exhaustif des résultats, bien que les détails partagés jusqu’à présent indiquent que certains des aspects des plus inquiétants du traité n’ont pas encore été résolus. Si de nombreuses questions restent sans réponse, le communiqué publié la semaine dernière indique que le TCE, même sous une forme révisée, continuera probablement à faire obstacle aux efforts visant à accélérer l’élimination progressive des combustibles fossiles et à sauvegarder notre planète.

L’impact climatique demeure incertain avec une approche flexible sur les investissements dans les combustibles fossiles

De manière notable, les Parties contractantes du TCE ambitionnent d’adopter la soi-disant « approche flexible » sur les investissements dans les combustibles fossiles, permettant aux membres individuels d’exclure du champ de la protection ces investissements sur leur territoire en fonction de leurs objectifs climatiques respectifs.

Comme indiqué dans sa précédente proposition, l’UE – à présent rejointe par le Royaume-Uni – entend faire une distinction entre les investissements existants et futurs dans les combustibles fossiles, en fixant le 15 août 2023 comme la ligne de démarcation. Les investissements dans les combustibles fossiles réalisés avant cette date continueront à bénéficier de la protection des investissements pendant 10 ans après l’entrée en vigueur du TCE modernisé. En revanche, les investissements dans les combustibles fossiles réalisés après cette date ne seront plus protégés, à quelques exceptions près. Ces exceptions sont susceptibles d’inclure  certains investissements dans le gaz naturel, les conversions de centrales électriques, et les gazoducs, compte tenu des propositions antérieures de l’UE.

On ignore actuellement si les 24 autres Parties contractantes ont l’intention d’adopter une approche analogue à ce stade. En outre, la position adoptée par l’UE et le Royaume-Uni accorderait plus d’une décennie de protection supplémentaire aux investissements dans les projets pétroliers, gaziers et de charbon, et serait donc très éloignée des objectifs pour le climat de l’Accord de Paris.

Pas de réforme du règlement des différends entre investisseurs et États

L’accord de principe continuera à permettre aux investisseurs étrangers d’utiliser le mécanisme très critiqué de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) du TCE pour introduire des demandes d’arbitrage directes contre les pays d’accueil, contourner les tribunaux nationaux et réclamer des montants de compensation extrêmement élevés. L’inclusion de nouveaux matériaux et produits énergétiques, tels que l’hydrogène, dans le champ d’application du traité augmente encore ce risque de litige.

Selon le communiqué, le texte convenu contient encore des dispositions sur le traitement juste et équitable, l’expropriation indirecte et le traitement de la nation la plus favorisée. Ces dispositions, même si elles sont nuancées, compliquent la capacité des États à réglementer dans l’intérêt public, étant donné la perspective de contestations judiciaires en vertu du traité. Si certaines des dispositions du traité relatives aux investissements semblent s’être rapprochées de l’approche plus récente adoptée par l’UE dans d’autres négociations sur les investissements, de nombreuses questions restent ouvertes.

De récentes décisions arbitrales indiquent que l’inclusion de dispositions ou d’exceptions plus détaillées en matière d’investissement dans les textes des traités ne préservera pas nécessairement la marge de manœuvre règlementaire des États. Il est également inquiétant de constater que la clause de survie de 20 ans du TCE reste intacte, ce qui signifie que le traité continuera à permettre aux investisseurs de porter plainte pendant des années, même si un État décide de se retirer du traité à l’avenir. Étant donné que la clause de survie a été considérée par de nombreuses Parties contractantes comme un obstacle à leur retrait du TCE, le fait de la laisser subsister dans un TCE modernisé rend le retrait difficile pour les gouvernements qui estimeraient que le traité ne sert pas leurs objectifs d’action climatique.

Signaux inquiétants pour la version finale modernisée du TCE

La conclusion d’un accord de principe n’est qu’une étape dans le processus de réforme du traité et certaines étapes procédurales doivent encore être franchies pour adopter un texte de traité finalisé. Pour l’UE, cela nécessitera d’abord un vote du Conseil de l’UE sur l’accord proposé. La version finale du TCE modernisé devra ensuite être adoptée par une décision unanime de toutes les Parties contractantes présentes et votantes à la conférence de la Charte de l’énergie, le 22 novembre 2022. Pour entrer en vigueur, le traité devra également être ratifié par au moins trois quarts de toutes les Parties contractantes, ce qui pourrait prendre des mois ou des années.

D’ici là, et à l’exception d’une application provisoire étendue qui reste incertaine, la version actuelle du TCE restera en place, continuant à compliquer les efforts des gouvernements dans la réalisation des ambitions et les objectifs de l’Accord de Paris. À l’avenir, la discussion d’un retrait coordonné de l’UE et de ses États membres n’est pas écartée, puisque l’Espagne et les parlements européen et néerlandais ont récemment demandé à la Commission de prendre une telle décision.

L’accord de principe n’étant pas encore public, il est trop tôt pour dire ce qu’un TCE modernisé signifie réellement pour la capacité des États à réglementer dans l’intérêt public et à prendre des actions climatiques ambitieuses. Si, toutefois, les dispositions décrites dans le communiqué du 24 juin sont intégrées dans le traité final, les Parties contractantes doivent examiner de près les implications pour les engagements pris lors de la COP 26 de Glasgow – et évaluer si un retrait coordonné du TCE, en plus de la neutralisation de la clause de survie, est une meilleure option pour atteindre les objectifs climatiques nationaux et internationaux.


Auteur

Lukas Schaugg est conseiller en droit international à l’IISD et chercheur doctorant en droit des investissements à la Osgoode Hall Law School, Toronto, Canada.

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