Réunion pré-intersession du Groupe de travail III de la CNUDCI sur le recours à la médiation dans le RDIE

Le 9 novembre 2020, l’Académie asiatique du droit international a organisé un évènement virtuel sur le recours à la médiation dans le règlement des différends investisseur-État. Il s’inscrit dans une série d’événements organisés par la CNUDCI en parallèle des réunions officielles du Groupe de travail III sur la réforme du règlement des différends investisseur-État.

La médiation désigne un processus « par lequel les parties cherchent à parvenir à un règlement amiable de leur différend avec l’aide d’un ou de plusieurs tiers (« le médiateur ») qui n’ont pas le pouvoir de leur imposer une solution »[1]. Le médiateur a pour objectif d’aider les parties à atteindre une solution mutuellement acceptable permettant de résoudre leur différend. Si les parties ne peuvent atteindre un accord, l’une ou l’autre des parties peut choisir de poursuivre ses efforts pour résoudre le différend par le biais d’une autre voie, par exemple par l’arbitrage investisseur-État. La médiation est un sujet d’actualité dans le droit économique international : en 2016, le secrétariat de la Charte de l’énergie a adopté le Guide sur la médiation en matière d’investissement[2] ; en 2018, le CIRDI a entamé des travaux sur un nouvel ensemble de règles relatives à la médiation investisseur-État[3] ; et en septembre 2020, la Convention de Singapour sur la médiation est entrée en vigueur[4]. Dans le contexte du groupe de travail III de la CNUDCI, les pays en développement et les pays développés sont favorables à un recours croissant à la médiation dans les différends investisseur-État.

L’évènement de six heures organisé par l’Académie asiatique du droit international incluait plus de vingt intervenants, soutenus par quatre documents de fond volumineux[5]. Malgré le nombre d’intervenants, plusieurs thèmes communs se sont dégagés. Les intervenants étaient généralement d’accord que l’usage accru de la médiation dans les différends investisseur-État serait une bonne chose. La médiation est par ailleurs considérée comme étant plus rapide, moins coûteuse et plus souple que l’arbitrage investisseur-État. Et elle permettrait également aux investisseurs et aux États d’accueil de garder les différends investisseur-État « sensibles » confidentiels, par opposition à la tendance en faveur d’une plus grande transparence dans l’arbitrage investisseur-État. Plus important, la médiation permettrait davantage d’obtenir des solutions mutuellement satisfaisantes que l’arbitrage investisseur-État.

Cette représentation positive de la médiation est quelque peu paradoxale. Il n’y a que très peu d’exemples connus de médiation investisseur-État. À l’inverse, il existe maintenant plus d’un millier d’affaires d’arbitrage investisseur-État connues. Pourquoi alors la médiation n’est-elle pas utilisée plus largement ?

Pour de nombreux intervenants, la réponse est qu’il existe de nombreux obstacles à un usage accru de la médiation, principalement liés à la capacité et à la volonté des États de participer. Ces obstacles incluent :

  • L’absence de mandat juridique explicite au titre des traités d’investissement et du droit national quant au recours à la médiation ;
  • La méconnaissance de la médiation par les représentants gouvernementaux ; et
  • Les obstacles bureaucratiques, tels que les difficultés liées à la coordination des multiples agences gouvernementales pouvant être impliquées dans le différend, et de veiller à ce que les personnes représentant l’État dans la médiation disposent du pouvoir de négocier et de régler le différend au nom de l’État.

Divers panels ont discuté de la manière de surmonter ces obstacles, et ont également mené une discussion technique plus détaillée sur l’interface entre la médiation et l’arbitrage investisseur-État.

Cette discussion illustrait un postulat sous-jacent de l’évènement : la médiation devrait être plus largement disponible en tant que mécanisme supplémentaire en parallèle de l’arbitrage investisseur-État (ou, dans le cas de la proposition de l’UE, en tant que mécanisme supplémentaire en parallèle de la possibilité de lancer un différend investisseur-État auprès d’un tribunal multilatéral des investissements). L’un des intervenants a par exemple mentionné la possibilité des recours RDIE de plusieurs milliards de dollars et expliqué qu’un État faisant face à un tel recours pourrait bénéficier d’un règlement à l’amiable pour une fraction du coût. Il n’y a toutefois pas EU de discussion sur les manières alternatives de réduire les risques associés aux larges recours RDIE, telles qu’une réforme profonde du contenu des traités d’investissements, ou sur la question clé de savoir si l’usage accru de la médiation devrait être encouragé en priorité, ou en conjonction avec ces réformes.

Cela témoigne d’un manque d’intérêt pour les éventuels inconvénients de l’usage accru de la médiation dans les différends investisseur-État. Des intervenants ont indiqué que certains différends investisseur-État ne sont pas appropriés pour la médiation, par exemple ceux qui impliquent des intérêts publics importants, mais les défis pratiques découlant du fait que les intérêts publics et les considérations commerciales sont souvent étroitement liées dans les différends investisseur-État n’ont pas été abordés en profondeur. Plusieurs intervenants ont pointé du doigt les tensions entre la médiation, souvent confidentielle, et les efforts en faveur de plus de transparence dans le RDIE, sans toutefois apporter de solution. La possibilité que certains obstacles à la participation des États dans la médiation puissent appuyer des fonctions importantes d’intérêt public a été négligée : par exemple, les limites imposées à la capacité des représentants gouvernementaux d’autoriser le transfert de fonds à des investisseurs étrangers après la conclusion d’un accord de règlement pourrait soutenir la fonction importante de réduction de la corruption, même s’ils rendent la médiation plus fastidieuse que dans un contexte purement commercial.

Mais cela ne veut pas dire que l’usage de la médiation dans les différends investisseur-État devrait être découragée. Au contraire, les États qui évaluent le rôle que la médiation devrait jouer dans les différends investisseur-État devraient examiner tant les avantages éventuels que les risques potentiels découlant de son usage.


Notes

[1] Convention de Singapour sur la médiation (2018), art. 2(3).

[2]https://www.energycharter.org/fileadmin/DocumentsMedia/CCDECS/2016/CCDEC201612.pdf

[3] https://ICSID.worldbank.org/services-arbitration-investor-state-mediation

[4] https://www.singaporeconvention.org/media/media-release/2020-09-12-singapore-convention-on-mediation-enters-into-force

[5] Les lecteurs désireux d’obtenir un résumé plus détaillé de l’évènement peuvent consulter ces documents de fonds, qui offrent un bon résumé du contenu et de la teneur de l’évènement, https://aail.org/UNCITRAL-wgiii-virtual-pre-intersessional/?fbclid=IwAR1YP-hIYynBEbmX5t4XAdidBaz7PqwWyhEuepvpIxeQFrW951ZOlwcz6pQ. L’enregistrement complet de l’évènement est également disponible en ligne sur https://aail.org/past-event-2020-uncitral-wgiii/.

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