Renco n’a pas respecté une exigence formelle de renonciation au titre de l’Accord de promotion commerciale États-Unis-Pérou

Renco Group Inc. c. la République du Pérou, UNCT/13/1

Un tribunal arbitral sous l’égide du Règlement d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) a déclaré que l’investisseur Renco Group Inc. (Renco), basé aux États-Unis, n’avait pas respecté l’exigence de renonciation contenue dans l’Accord de promotion commerciale (APC) États-Unis-Pérou. Aussi, le tribunal a décliné sa compétence sur l’affaire.

Le contexte

Le 4 avril 2011, l’entreprise minière Renco, basée aux États-Unis, lança une procédure d’arbitrage en son nom propre et au nom de Doe Run Peru S.R. LTDA (DRP), entreprise qu’elle détient à 100 pour cent. Renco alléguait que le Pérou avait violé ses obligations d’accorder un traitement juste et équitable (TJE) et le traitement national au titre de l’APC, ainsi que certaines de ses obligations contractuelles. Dans une notification d’arbitrage amendée datée du 9 août 2011, Renco a retiré le recours au nom de son entreprise tout en maintenant le recours en son nom propre.

L’article 10.18(2)(b) de l’APC contient deux exigences distinctes : une exigence formellede soumettre une renonciation écrite au droit de lancer ou de poursuivre devant un tribunal ou une cour administrative au titre du droit de n’importe quel pays, ou toute autre procédure de règlement des différends, toute procédure relative à une quelconque mesure constituant supposément une violation, et une exigence matérielle, au titre de laquelle l’investisseur doit s’abstenir de lancer ou de poursuivre des procédures locales violant la renonciation écrite.

La décision partielle rendue le 15 juillet 2016 porte sur la renonciation écrite accompagnant la notification d’arbitrage amendée de Renco. La renonciation indique que « dans la mesure où le tribunal refuse d’entendre tout recours lui étant présenté et fondé sur des motifs de compétence ou d’admissibilité, le demandeur se réserve le droit de présenter ces recours à une autre enceinte pour qu’ils soient déterminés quant au fond » – « réserve de droits » (paras. 58-59).

Le Pérou affirmait que Renco n’avait pas respecté les deux exigences formelle et matérielle de l’article 10.18(2) de l’APC. Il notait que compte tenu de la « réserve de droits », Renco se réservait le droit de présenter des recours à une autre enceinte et que, par conséquent, la renonciation de Renco n’était pas conforme aux termes de l’APC.

L’analyse par le tribunal de l’exigence de renonciation de l’article 10.18(2) de l’APC

Le tribunal entama son analyse en interprétant à la lumière de la Convention de Vienne sur le droit des traités les dispositions pertinentes invoquées dans le recours, qui établissent les procédures qu’un investisseur doit respecter afin de présenter un différend à un arbitrage, à savoir les articles de l’APC sur la « Soumission d’un recours à l’arbitrage », le « Consentement de chacune des parties à l’arbitrage » et les « Conditions et limites au consentement de chacune des parties ».

Le tribunal remarqua que sa compétence pouvait être établie au titre d’un accord d’arbitrage valable entre Renco et le Pérou, conclu au moment où Renco avait accepté l’offre permanente du Pérou de régler les recours par arbitrage conformément aux exigences de l’APC. Toutefois, il souligna que le respect de l’article 10.18(2) était une condition et une limite au consentement du Pérou à l’arbitrage, et un prérequis essentiel à l’existence d’un accord d’arbitrage, et donc à la compétence du tribunal.

S’agissant de la validité de la renonciation et de la réserve de droits de Renco, le tribunal considéra que la formulation de l’article 10.18(2)(b) démontrait que les renonciations soumises à des conditions sont inadmissibles, et que cette interprétation est conforme à l’objet et au but de cet article, qui est de protéger un État défendeur contre les poursuites multiples. Le tribunal détermina également que l’article constitue une disposition de type « demi-tour interdit » empêchant l’investisseur de soumettre un recours postérieur à une enceinte nationale, y compris si le recours est rejeté pour des raisons de compétence ou de recevabilité.

Pour conclure, le tribunal analysa les conséquences du non-respect par Renco de l’article 10.18(2)(b). Il souligna qu’il aurait été préférable que le Pérou présente l’objection fondée sur la renonciation au début de la procédure car l’arbitrage avait commencé depuis longtemps et que l’affaire était devenue très complexe puisque les conséquences du non-respect de l’article 10.18(2)(b) sont très graves.

Le tribunal rejette la tentative par Renco de rectifier la renonciation ou de séparer la réserve des droits et rejette l’argument de Renco selon lequel le Pérou a abusé de ses droits

Dans sa décision, le tribunal tint également compte de (1) la possibilité ou non de rectifier la renonciation, (2) la possibilité pour le tribunal de séparer la réserve de droits et (3) de la question de savoir si les arguments et la conduite du Pérou en lien avec la renonciation constituaient un abus de droits.

S’agissant de la possibilité de rectifier la renonciation, Renco affirma que le défaut ne concernait que la forme et que les tribunaux avaient la possibilité de remédier aux problèmes liés aux exigences formelles. Le Pérou contesta que le tribunal n’était pas habilité à le faire. La majorité du tribunal conclut que la soumission d’une renonciation valable était une condition à l’existence initiale d’un accord valable et donc que le tribunal n’avait pas cette autorité. L’un des arbitres considéra que Renco avait la possibilité de purger sa renonciation défectueuse de manière unilatérale.

S’agissant du principe de séparation, le tribunal conclut que le principe ne pouvait être appliqué à l’affaire car il n’existait aucun accord d’arbitrage et donc que le tribunal n’avait pas le pouvoir de séparer la réserve de droits.

Le Pérou avait soulevé pour la première fois la question de la renonciation défectueuse dans sa notification des objections préliminaires, déposée trois ans après l’entame de la procédure. Renco affirmait que les objections du Pérou constituaient un abus de droits, affirmant que l’objectif du Pérou n’était pas de veiller au respect des droits associés à la renonciation mais de contourner son obligation d’arbitrer les recours de Renco fondés sur le traité. Le tribunal conclut que le Pérou avait légitimement cherché à exercer son droit de recevoir une renonciation conformément à l’article 10.18(2)(b). Il souligna cependant qu’il pouvait y avoir abus de droits si le Pérou arguait dans toute procédure future que les recours de Renco étaient proscrits du fait du délai de trois ans prévu à l’article 10.18(1).

La décision et les coûts

La majorité déclara que Renco n’avait pas respecté l’exigence formelle contenue dans l’article 10.18(2)(b) en incluant une réserve de droits dans la renonciation jointe à la          notification d’arbitrage amendée, qu’il ne pouvait pas unilatéralement purger la renonciation défectueuse, et qu’il n’avait pas réussi à établir les prescriptions pour le consentement du Pérou à l’arbitrage au titre du traité. Par conséquent, le tribunal rejeta les recours pour absence de compétence.

Dans la décision partielle sur la compétence, le tribunal avait reporté à plus tard l’examen de la question des coûts. Dans sa décision finale, le tribunal décida de s’éloigner du principe selon lesquels « les frais suivent l’issue de l’instance » contenu dans le Règlement de la CNUDCI puisque (a) le Pérou n’avait EU qu’un gain de cause relatif plutôt qu’absolu ; (b) les questions soulevées lors de la phase de la renonciation étaient nouvelles et complexes ; et (c) le Pérou avait tardé a présenté son objection à la compétence du tribunal fondée sur le non-respect par Renco de l’article 10.18(2)(b) du traité. Pour conclure, le tribunal décida que chacune des parties payerait ses propres frais juridiques et d’arbitrage, et la moitié des frais du tribunal et de l’autorité administrative.

Remarques : le tribunal arbitral était composé de Michael J. Moser (président nommé sur accord des parties, de nationalité australienne), de L. Yves Fortier (nommé par le demandeur, de nationalité canadienne), et de Toby T. Landau (nommé par le défendeur, de nationalité britannique). La décision partielle sur la compétence du 15 juillet 2016 est disponible en anglais sur http://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw7434.pdfet en espagnol sur http://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw7435.pdf, et la décision finale du 9 novembre 2016 est disponible en anglais sur http://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw7744_1.pdfet en espagnol sur http://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw7745.pdf.

Maria Florencia Sarmiento est assistante d’enseignement et de recherche à l’Université catholique d’Argentine.

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