Nouvelles en Bref

L’accord de Partenariat transpacifique a été signé à Auckland ; un expert indépendant des Nations Unies appelle les États à sauvegarder leur marge de manœuvre réglementaire

 Le 4 février 2016, les ministres du Commerce de douze États du Pacifique se sont réunis à Auckland, en Nouvelle-Zélande, pour signer l’accord de Partenariat transpacifique (TPP).

À la veille de la réunion, l’expert indépendant des Nations Unies pour la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, Alfred de Zayas, appelait les gouvernements à publier une déclaration interprétative du TPP, réaffirmant leur engagement à respecter leurs obligations au titre des droits humains et les objectifs de développement durable.

Dans sa déclaration du 2 février 2016, de Zayas indiquait que le TPP « [était] profondément imparfait et ne devrait pas être signé ou ratifié, sauf si des mesures sont prises pour garantir la marge de manœuvre réglementaire des États ». Il rappelait que l’accord était le fruit de « négociations secrètes menées sans consultation démocratique des différentes parties-prenantes », et qu’il serait signé en dépit de « l’opposition massive de la société civile du monde entier ». L’expert a affirmé qu’il fallait contester la compatibilité de l’accord avec le droit international devant la Cour de justice internationale.

Dans un rapport publié en août 2015, de Zayas recommandait d’abolir le système actuel de règlement des différends investisseur-État (RDIE).


Audit des traités d’investissement réalisé par l’Équateur : les rapports de la CAITISA sont dévoilés

Trois rapports rendus par la CAITISA, la commission équatorienne citoyenne d’audit des traités bilatéraux d’investissement (TBI), ont été dévoilés par le journal en ligne Diagonal le 24 janvier 2016. La CAITISA, composée d’experts en investissement étranger et en droit international, a été établie en 2013 par le Président Rafael Correa en vue d’examiner la légitimité et la légalité des TBI de l’Équateur et les répercussions de leur mise en œuvre. La Commission a conclu ses travaux en décembre 2015.

Dans son rapport portant sur les recommandations finales, la CAITISA recommande à l’Équateur de dénoncer ses TBI et de négocier de nouveaux instruments : des contrats spécifiques avec les investisseurs étrangers ou des traités d’investissement. Ces nouveaux instruments ne devraient pas contenir de dispositions traditionnelles limitatives de la protection, à l’exception des dispositions sur l’expropriation indirecte. Ils devraient en outre inclure des droits pour l’État et des obligations pour l’investisseur.

Dans ses observations sur l’arbitrage international relatif aux investissements, la CAITISA recommande au pays d’exclure le règlement des différends investisseur-État (RDIE) des TBI existants et futurs, et de favoriser le règlement par les tribunaux nationaux. Elle avance également l’idée d’une période de transition incluant : l’interdiction des intérêts composés dans les décisions relatives aux dommages, l’épuisement des recours nationaux, le renforcement de la transparence dans les procédures, le plafonnement des émoluments des arbitres, l’émission de notes interprétatives, la création d’un mécanisme d’appel, et l’établissement d’un tribunal international permanent ou d’une cour régionale d’investissement permanente, où siègeraient des juges permanents.


L’ALE Union européenne-Vietnam inclut un tribunal permanent

Le 2 décembre 2015, l’Union européenne et le Vietnam ont signé un accord de libre-échange (ALE), mettant ainsi fin à trois années de négociation. Rendu public le 1er février 2016, le texte couvre les habituelles questions commerciales, notamment les SPS et les OTC, la facilitation des échanges, mais aborde également d’autres questions comme les marchés publics, la politique relative à la concurrence, la propriété intellectuelle, la coopération et le renforcement des compétences, les entreprises étatiques et la transparence. À l’instar d’autres traités européens récents, il contient également un chapitre sur le développement durable couvrant à la fois les questions environnementales et de l’emploi.

Le chapitre sur l’investissement adopte l’approche émergente de l’Union européenne en matière de protection des investissements. Il inclut également un nouveau type de mécanisme de règlement des différends investisseur-État, composé d’un tribunal permanent de neuf membres, chargé d’entendre les affaires en première instance, et d’un tribunal d’appel permanent de six membres.


Les juges et les procureurs publics allemands rejettent le système de tribunal des investissements au titre du PTCI/TTIP

Dans une déclaration émise début février 2016, l’Association allemande des juges (DRB sous son acronyme allemand) s’est fermement opposée à la proposition publiée par la Commission européenne le 16 septembre 2015 et visant à établir un tribunal d’investissement au titre du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI/TTIP) en cours de négociation par l’Union européenne et les États-Unis.

La DRB considère que le système proposé n’est pas nécessaire, puisque les systèmes juridiques existants des États membres garantissent l’accès à la justice des investisseurs étrangers et leur protection effective. L’Association argue que même si ce n’était pas le cas, la question pourrait être abordée par les parlements nationaux. Pour la DRB, la création d’une cour spéciale n’est pas la bonne voie à suivre pour garantir la sécurité juridique.

La déclaration remet également en cause la compétence législative de l’Union européenne pour l’établissement d’un tel tribunal d’investissement. Elle souligne que le tribunal proposé limiterait les pouvoirs législatifs et interférerait avec les systèmes juridiques existants, tant dans l’Union européenne que dans les États membres.

Finalement, la déclaration critique la procédure et les critères envisagés pour la sélection des juges de ce système, qui ne sont pas conformes aux prescriptions internationales en matière d’indépendance technique et financière. D’après la DRB, la réserve de juges tendrait à être limitée aux personnes déjà impliquées dans le système d’arbitrage international des investissements, et le système envisagé apparait plutôt comme une enceinte d’arbitrage que comme un tribunal international.

Établie en 1909, la DRB est la plus importante association professionnelle de juges et de procureurs publics d’Allemagne. Le texte officiel de l’avis n° 04/16 de la DRB n’est disponible qu’en allemand.


La Commission européenne demande au Canada la réouverture des négociations de l’AECG en vue de revoir le RDIE

D’après des informations de CBC News du 21 janvier 2016, les représentants de l’Union européenne auraient demandé au gouvernement canadien de revoir la clause RDIE contenue dans l’Accord économique et commercial global (AECG). Les négociations de l’AECG ont été conclues en août 2014. L’AECG prévoit un mécanisme RDIE plus traditionnel, qui ne correspond pas à la nouvelle approche de l’Union européenne favorable à un mécanisme plus permanent. Dans sa forme actuelle, le texte a peu de chance d’être approuvé par le Parlement européen.


Un pas de plus vers l’ouverture du centre d’arbitrage de l’UNASUR

Le 19 janvier 2016, les experts de l’Union des nations sud-américaines (UNASUR) se sont réunis à Montevideo, en Uruguay, pour finaliser les accords portant sur le centre régional envisagé pour le règlement des différends relatifs aux investissements. L’UNASUR est une organisation intergouvernementale régionale regroupant 12 nations d’Amérique du Sud : l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, le Paraguay, le Pérou, le Suriname, l’Uruguay, et le Venezuela.

Le texte portant création du centre de règlement des différends, qui n’a pas encore été rendu public, a été négocié par les ministres des Affaires étrangères, les procureurs généraux et les ministres des Finances de la région, en consultation avec les banques centrales. Une fois approuvé par les 12 pays, le centre proposé pourrait apparaitre comme une alternative régionale au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).


TransCanada lance un arbitrage contre les États-Unis au titre de l’ALENA au sujet du rejet du projet d’oléoduc Keystone XL*

Le 6 janvier 2016, TransCanada a lancé un arbitrage contre les États-Unis pour «l’approbation indûment retardée» du projet d’oléoduc Keystone XL, puis le rejet en novembre 2015 de la demande par l’entreprise du permis présidentiel nécessaire. Alléguant que les États-Unis ont violé leurs engagements en matière de non-discrimination, d’expropriation et de traitement juste et équitable au titre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), l’entreprise canadienne réclame plus de 15 millions USD.

L’oléoduc Keystone XL, qui transporterait le pétrole brut de la province canadienne d’Alberta vers les ports étasuniens situés dans le Golfe du Mexique, était au cœur d’un contentieux politique aux États-Unis. Les environnementalistes soulignaient que l’extraction du brut des sables bitumineux de l’Alberta était une activité hautement intensive en carbone, et arguaient que l’oléoduc s’inscrivait à l’encontre des efforts du pays pour réduire sa dépendance aux énergies fossiles. Les législateurs républicains et plusieurs États des États-Unis soutenaient, quant à eux, le projet.

Dans sa notification d’intention de soumettre le différend à l’arbitrage, TransCanada souligne que l’examen de sa demande a été beaucoup plus long que la pratique usuelle pour un tel oléoduc. L’administration Obama a reconnu que l’examen a été plus long du fait de la politisation du projet. Dans une déclaration faite après le rejet de la demande le 6 novembre 2015, le Président Obama expliquait : « L’Amérique est devenue un leader mondial pour la prise de mesure majeure visant à lutter contre le changement climatique. Et honnêtement, l’approbation du projet aurait sapé ce leadership mondial ».

Le jour où elle a lancé l’arbitrage, TransCanada a également déposé une plainte contre les autorités des États-Unis auprès d’un tribunal du pays, prétendant que le rejet de la demande par Obama représentait un abus des pouvoirs présidentiels au titre de la Constitution et n’avait pas l’aval du Congrès. Cette affaire auprès d’un tribunal étasunien vient s’ajouter et sera jugée en parallèle à l’affaire au titre de l’ALENA, qui durera certainement plusieurs années. À ce jour, les États-Unis n’ont jamais perdu une affaire au titre du chapitre sur l’investissement de l’ALENA.


Philip Morris n’obtient pas gain de cause dans un arbitrage de la CPA contre l’Australie portant sur la loi relative à l’emballage neutre

Le 17 décembre 2015, un tribunal de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) a rendu une décision juridictionnelle dans l’affaire lancée par le géant du tabac Philip Morris contre l’Australie au sujet de la législation australienne sur l’emballage neutre du tabac. D’après le site internet de la CPA, la décision sera rendue publique une fois que les informations confidentielles en auront été retirées. Philip Morris a reconnu dans un communiqué de presse que le tribunal s’était déclaré incompétent pour entendre l’affaire. Aussi, le tribunal ne s’est pas prononcé sur le bien-fondé de l’affaire.

Le sénateur australien Peter Whish-Wilson a déclaré que cette décision était une victoire, et a salué l’efficacité de l’emballage neutre comme outil de politique publique. Il a toutefois averti que l’Australie pourrait faire l’objet de plaintes similaires de la part d’entreprises étrangères au titre des mécanismes RDIE contenus dans ses accords commerciaux et d’investissement signés avec la Chine, la Corée et les États-Unis. « Le RDIE est une épée de Damoclès au-dessus de la souveraineté de l’Australie et de notre droit à légiférer dans l’intérêt public » a-t-il affirmé. Le sénateur a également indiqué que la défense fructueuse contre Philip Morris aurait coûté 35 millions USD aux contribuables australiens.


La Commission européenne cède sous les pressions pour une plus grande transparence des textes du PTCI/TTIP

Les 751 membres du Parlement européens (MPE) auront un accès sans limite à tous les documents confidentiels relatifs aux négociations du PTCI/TTIP. Le Parlement a annoncé l’accord trouvé avec la Commission européenne le 2 décembre 2015, après 11 mois de négociations. Au titre des arrangements pratiques, les MPE pourront lire les « textes consolidés » d’accès restreint – qui reflètent les compromis entre l’Union européenne et les États-Unis – dans une salle de lecture sécurisée au Parlement, et en prendre des notes écrites.

Le 4 décembre, Cecilia Malmström, la Commissaire européenne au commerce a annoncé que des salles de lecture seraient établies dans les capitales des 28 États membres de l’Union européenne pour permettre aux membres des parlements nationaux (MP) d’analyser les textes consolidés. L’annonce a été faite alors que la Commissaire s’entretenait avec Norbert Lammert, le Président du Bundestag allemand, au sujet des demandes qu’il avait faites en 2015 concernant l’accès aux documents par les MP allemands.

Une semaine avant les deux annonces, le Guardian avait obtenu des documents supposés révéler que la Commission avait donné accès à l’entreprise pétrolière étasunienne ExxonMobil aux stratégies confidentielles de l’UE dans les négociations du TTIP. La Commission avait rejeté ces allégations.

* L’équipe de rédaction remercie chaleureusement Jacob Greenberg de sa contribution. Il est étudiant à la Faculté de droit de l’Université de Michigan, actuellement en stage au Programme de l’investissement pour le développement durable de l’IISD.

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