Pour transformer le régime de l’investissement international, il faut se tourner vers l’assurance contre le risque politique, et non (uniquement) vers les traités d’investissement
Parmi les instruments dont disposent les entreprises multinationales pour se prémunir contre les risques politiques liés aux investissements directs étrangers (IDE), l’assurance contre le risque politique (PRI, Political Risk Insurance) est l’un des plus efficaces. Ainsi, rien qu’au cours de l’année 2023, 41 milliards de dollars d’investissements étrangers ont été mobilisés, selon l’Union de Berne, une association du secteur de l’assurance contre le risque politique. Contrairement aux traités d’investissement, qui tendent à être méconnus du monde des affaires, les conseils d’administration et les financiers s’appuient fréquemment sur les PRI pour leurs décisions en matière d’investissement. Sur le plan politique également, les décideurs devraient accorder plus d’attention à cet instrument. La plupart des PRI sont distribuées par des assureurs publics, ce qui fait d’elles un puissant outil pour la promotion de divers objectifs de politique publique.
Pour qui sait où regarder, les PRI sont omniprésentes. L’assurance contre les risques de guerre, une forme de PRI qui dédommage les entreprises ayant subi des dégâts dans le cadre d’un conflit armé, s’est révélée être un élément clé du soutien des États occidentaux à l’Ukraine face à l’agression russe. Les PRI constituent également un outil géopolitique essentiel. Le Partenariat pour l’infrastructure et l’investissement mondiaux, une initiative du G7, et le projet chinois « la Ceinture et la Route » (« Belt and Road Initiative ») tirent pleinement parti des PRI pour canaliser les investissements en direction des pays en développement partenaires. Par ailleurs, les PRI permettent d’inciter les entreprises à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement : l’Allemagne, notamment, offre des primes attrayantes aux sociétés investissant dans de nouvelles juridictions. Enfin, les PRI jouent un rôle crucial dans les efforts déployés à l’échelle mondiale pour lutter contre le changement climatique, notamment par le biais d’échanges dette-nature qui associent l’allègement de la dette à la protection de la nature, et qui ne fonctionnent pas sans les capacités uniques des PRI à réduire les risques liés aux engagements financiers.
Il est donc grand temps de mieux comprendre les assurances contre le risque politique et leur rôle dans le cadre plus large du régime de l’investissement international. Cet article explique (1) ce que sont les PRI, (2) les risques qu’elles couvrent, (3) leurs rapports et leur complémentarité avec les AII, (4) le rôle qu’elles jouent actuellement, et (5) leur utilité potentielle dans la réforme du futur régime de l’investissement international.
Qu’est-ce que l’assurance contre le risque politique ?
L’assurance investissement (parfois appelée garantie investissement) protège les investisseurs contre le risque politique à l’étranger. Elle fonctionne comme n’importe quelle assurance : l’investisseur verse une prime à un assureur (avec des frais annuels qui varient généralement entre 0,5 % et 3 % de la valeur comptable de l’investissement) afin de recevoir un paiement en cas d’événement lié à un risque politique (tel que défini dans une police d’assurance détaillée). La PRI est plus qu’un simple produit d’assurance. Toutefois, à l’intersection du financement du développement, de la promotion des exportations et de la diplomatie commerciale, elle constitue un véritable instrument de politique.
Les assureurs privés représentent moins de 10 % de la couverture des PRI. Ce sont en réalité les assureurs publics qui dominent le secteur, sous la forme de fournisseurs d’assurance multilatéraux (l’Agence multilatérale de garantie des investissements [MIGA], par exemple), régionaux (par exemple, Afreximbank) et nationaux (de la Société internationale de financement du développement international des États-Unis [DFC] à la Sinosure, en Chine). Le soutien public aux PRI est important, principalement pour deux raisons.
Tout d’abord, les PRI soutenues par l’État constituent, dans les faits, une forme de subvention à l’exportation de capitaux. En effet, les assureurs publics de PRI facturent généralement moins que ce que le marché demanderait pour couvrir un risque équivalent, ou couvrent des risques que le marché privé n’assurerait pas autrement. Plusieurs arguments de politique publique justifient le risque supplémentaire assumé par les assureurs publics :
- Financer le développement : parallèlement aux traditionnelles aides au développement, les PRI soutiennent la croissance économique des pays moins développés.
- Promouvoir l’exportation de capitaux : les PRI soutiennent la croissance économique au niveau interne en aidant les entreprises nationales à se développer sur les marchés mondiaux.
- Contribuer à la diplomatie économique : les PRI soutiennent les objectifs de politique étrangère et de sécurité de l’État d’origine, de l’atténuation du changement climatique à la diversification de la chaîne d’approvisionnement.
Deuxièmement, dans la mesure où de l’argent public est en jeu, les PRI transforment les relations privées entre les investisseurs et les États en affaires interétatiques. On affirme régulièrement – à tort – que les relations d’investissement ont été dépolitisées par la prolifération des arbitrages d’investissement et des traités de protection des investissements, qui limitent ostensiblement l’implication de l’État d’origine. L’importance persistante des PRI signifie en réalité que les États d’origine sont très engagés dans les relations d’investissement. Les grands États exportateurs de capitaux, tels que les États-Unis et l’Allemagne, interviennent directement dans les conflits d’investissement imminents dans le cadre de leur diplomatie commerciale au sens large, afin d’éviter que leurs assurances publiques ne paient pour les dommages infligés à leurs investisseurs. Les investisseurs, quant à eux, apprécient le soutien de leur État d’origine qui, dans certains cas, peut dissuader l’État hôte de prendre des mesures défavorables. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles les investisseurs ont tendance à préférer les PRI publiques aux PRI commerciales. En résumé, l’assurance contre le risque politique parrainée par l’État constitue, fondamentalement, un outil de politique publique et de diplomatie commerciale.
Quels types de risques les PRI couvrent-elles ?
Traditionnellement, la PRI indemnise les investisseurs dans les situations suivantes :
- inconvertibilité monétaire, par exemple pour permettre aux investisseurs étrangers de rapatrier leurs bénéfices ;
- dommages résultant d’une guerre ou d’un conflit civil, par exemple pour indemniser les investisseurs lorsque des actifs ont été détruits au cours d’un conflit ;
- expropriation, pour verser une indemnité lorsque le gouvernement hôte a saisi les actifs de l’investisseur.
Plus récemment, de nombreux assureurs PRI ont élargi la couverture, afin d’inclure les cas suivants :
- répudiation de contrats, pour protéger les investisseurs contre l’annulation unilatérale de contrats d’État ;
- non-paiement des sentences arbitrales – il s’agit là d’indemniser l’investisseur lorsqu’un pays hôte refuse d’honorer une décision d’arbitrage international.
Les détails de ces couvertures, ainsi que d’autres termes et conditions, sont décrits dans les polices d’assurance. Ces dernières varient d’un assureur à l’autre et sont régies (pour la plupart) par ses lois nationales. Les compagnies privées peuvent également proposer des produits d’assurance sur mesure couvrant des risques supplémentaires.
Le « droit à l’assurance » n’existe pas, et tous les projets d’investissement ne sont pas assurables. Les assureurs appliquent diverses conditions, notamment (1) des restrictions politiques (exclusion de la couverture des investissements dans des juridictions sanctionnées), (2) des considérations économiques (imposition de limites supérieures au montant de l’investissement assurable) et (3) des critères sociaux et environnementaux (refus de couvrir des projets liés à des violations des droits de l’Homme ou à des atteintes à l’environnement). En pratique, cela signifie que les PRI sélectionnent les investissements qu’elles soutiennent, et peuvent être adaptées afin de promouvoir différents objectifs stratégiques.
Les différences entre les PRI et les AII : complémentaires plutôt qu’interchangeables
Les AII et les PRI se recoupent partiellement en termes de risques politiques couverts ; il existe cependant d’importantes différences qui rendent les AII et les PRI complémentaires plutôt qu’interchangeables. Tout d’abord, alors que les AII se concentrent principalement sur la protection du stock d’investissement, les PRI visent à faciliter les flux d’investissement. La plupart des AII n’agissent guère pour attirer ou libéraliser activement les flux d’investissement. Leur principal objectif est de protéger les investissements existants, y compris ceux réalisés avant la conclusion du traité. Ces traités prennent tout leur sens lorsqu’un État vient perturber un investissement et que l’investisseur cherche à pallier un risque politique déjà matérialisé.
Les PRI, quant à elles, sont généralement souscrites au moment où l’investissement est réalisé. En réduisant efficacement les risques liés aux projets d’investissement et en modifiant le calcul du rapport risque/rendement, les PRI jouent un rôle essentiel dans l’obtention des financements et la viabilité des investissements. En termes de réduction des risques liés aux projets d’investissement, les traités ne jouent, au mieux, qu’un rôle mineur. La recherche suggère que les investisseurs tendent à méconnaître les AII, et les considèrent comme insuffisants en tant que mécanisme de réduction des risques. Une situation compréhensible au regard de l’imprécision des termes des traités, de la longueur et de l’imprévisibilité des procédures d’arbitrage, et enfin des incertitudes quant à l’obtention d’une indemnisation, même si une plainte est acceptée. À l’opposé, les polices des PRI comportent des termes précis et les paiements interviennent rapidement, dès qu’un événement de risque politique se matérialise. Les PRI jouent donc un rôle supérieur à celui des AII lorsqu’il s’agit de mobiliser des capitaux.
Si les PRI excellent à mobiliser les investissements, elles sont moins efficaces pour les protéger. Les AII tendent à offrir une protection plus large : les engagements en termes de non-discrimination et de traitement juste et équitable ne sont généralement pas inclus dans les polices des PRI (bien qu’elles incluent une assurance sans réserve contre la guerre – une protection que les AII n’offrent pas). En outre, les PRI n’assurent généralement que la valeur comptable de l’investissement et limitent habituellement le recouvrement à 90 % de la valeur de l’investissement. Par conséquent, les indemnités versées au titre des polices PRI ont tendance à être inférieures aux dommages-intérêts accordés par les tribunaux d’arbitrage investisseur-État dans le cadre des AII, qui prennent généralement en compte les bénéfices futurs lors de l’évaluation de la valeur de marché d’un investissement.
Malgré ces différences, les PRI et les AII sont étroitement imbriqués. La plupart des protections offertes par les PRI recoupent les obligations des États hôtes envers les investisseurs étrangers en vertu des AII. Dans les faits, les politiques des PRI définissent généralement l’expropriation par rapport au concept de droit international. Il existe en outre des liens historiques importants. Le premier TBI conclu entre le Pakistan et l’Allemagne en 1959 était issu du système allemand d’assurance contre le risque politique. Il était fondé sur le fait que les paiements effectués aux investisseurs dans le cadre des PRI pouvaient être récupérés auprès de l’État hôte (dans ce cas, le Pakistan) par le biais du TBI.
Les traités d’investissement comprennent des clauses de subrogation, qui permettent aux États d’origine de se « substituer » à l’investisseur après le versement d’une prestation d’assurance. Dans la pratique, il est rare que les États invoquent les clauses de subrogation ou intentent des actions d’arbitrage directement contre les États hôtes. Les États d’origine choisissent généralement de s’appuyer sur les clauses de leurs polices PRI, qui exigent des investisseurs assurés qu’ils agissent en tant qu’agents de leur assureur après un versement. Les investisseurs indemnisés peuvent ainsi être chargés de lancer une procédure d’arbitrage et, s’ils obtiennent gain de cause, ils sont tenus de transmettre toute indemnité reçue à l’assureur de leur État d’origine, à concurrence du montant de l’indemnité versée par l’assurance. Lorsque l’arbitrage n’est pas possible ou que l’État hôte ne paie pas, l’État d’origine a souvent recours à l’influence diplomatique pour recouvrer les fonds. Par exemple, les États-Unis récupéreraient 90 % de l’ensemble des paiements effectués à leurs investisseurs dans le cadre de leur PRI auprès des États hôtes. De même, l’Allemagne a pour habitude d’inscrire sur liste noire les nations qui ne remboursent pas les investisseurs, ce qui empêche les PRI de couvrir tout nouvel investissement dans ces pays. Ce levier d’action a permis à l’Allemagne de récupérer des millions d’euros auprès des États hôtes.
En résumé, si les traités d’investissement et les PRI ont des objectifs distincts, ils forment un écosystème étroitement interconnecté. Ce système permet des investissements directs étrangers qui seraient trop risqués autrement. Le système est toutefois biaisé en faveur des États d’origine développés, qui bénéficient non seulement des primes versées par les investisseurs pour leur couverture par les PRI, mais aussi des remboursements prélevés sur les États hôtes en développement.
À quoi servent les PRI – sécurité, géopolitique et protection environnementale
Trois cas d’utilisation – la guerre en Ukraine, les efforts de l’Allemagne pour diversifier ses chaînes d’approvisionnement et les échanges dette-nature – permettent d’illustrer la manière dont les PRI façonnent les flux d’investissement, ainsi que leur rôle dans la résolution de divers problèmes de politique publique.
Sécurité : comment les PRI contribuent à la reconstruction de l’Ukraine
Aucune entreprise ne souhaite investir dans une zone de guerre. C’est pourquoi la première vice-première ministre de l’Ukraine, Ioulia Svyrydenko, a réussi à convaincre des États aux vues similaires d’assurer son pays contre les risques de guerre. En mai 2023, les dirigeants du G7 ont exprimé leur soutien politique à l’utilisation de la PRI pour stimuler les investissements en Ukraine. La Conférence sur le redressement de l’Ukraine qui a suivi en juin 2023 a lancé le Cadre de la Conférence de Londres sur l’assurance contre les risques de guerre pour l’Ukraine, un effort coordonné visant à mobiliser l’investissement privé par le biais de la PRI. Aujourd’hui, tous les pays du G7, à l’exception du Canada, proposent une assurance contre les risques de guerre pour l’Ukraine dans le cadre de leurs programmes nationaux de PRI. Ces efforts sont complétés par des organisations régionales, telles que la BERD, et des institutions multilatérales, dont la MIGA, qui disposent de programmes de PRI adaptés au contexte ukrainien. Le gouvernement allemand a fait état d’une augmentation notable des garanties d’investissement pour l’Ukraine, soulignant ainsi l’impact tangible de ces efforts.
Diversification : comment la PRI allemande redessine les réseaux d’approvisionnement
La PRI allemande, administrée par PricewaterhouseCoopers mais dirigée par le ministère fédéral de l’Économie, est le deuxième plus grand programme d’assurance investissement au monde ; il couvrait plus de 30 milliards d’euros de stock d’investissement en 2022. L’Allemagne a longtemps conçu son programme PRI en l’axant sur la demande : lorsque les entreprises allemandes souhaitaient investir, le gouvernement leur apportait, dans la mesure du possible, son soutien. En 2022, l’Allemagne a décidé d’utiliser sa PRI de manière plus stratégique. Inquiète d’une surexposition à certains marchés, en particulier la Chine, et des risques de coercition économique ou de perturbations dans la chaîne d’approvisionnement, l’Allemagne a réimaginé son programme de PRI comme un ensemble de carottes et de bâtons visant à diversifier ses chaînes d’approvisionnement.
Du côté des bâtons, l’Allemagne a mis en œuvre des mesures visant à limiter la couverture offerte par la PRI, afin de gérer toute dépendance excessive à l’égard de juridictions étrangères, en particulier la Chine. Quatre garanties d’investissement demandées par Volkswagen pour des projets au Xinjiang ont été refusées en mai 2022 en raison de problèmes de travail forcé. L’Allemagne a également plafonné l’exposition totale pour les entreprises individuelles et les pays hôtes à trois milliards d’euros, et a augmenté les primes PRI pour les investissements dans les juridictions concentrant des stocks d’investissement élevés.
Du côté des carottes, l’Allemagne a mis en place des mesures incitatives visant à réorienter les investissements étrangers vers d’autres marchés. Des conditions de PRI améliorées – notamment des primes réduites et des dispenses de frais – sont désormais proposées aux projets dans 20 régions et pays, tels que la Turquie, l’Inde et le Chili. Ces marchés ont été identifiés en fonction de leur potentiel économique, de leur alignement sur les priorités de l’Allemagne en matière de politique étrangère et de leur rôle dans la promotion d’un ordre mondial fondé sur des règles.
Ces changements ont déjà généré des résultats mesurables. Le nombre de demandes de PRI acceptées pour les pays préférentiels a augmenté, tandis que l’exposition de l’Allemagne à la Chine, tant en termes de demande que de volumes globaux de garanties, a fortement diminué (l’exposition globale de la PRI à la Chine a baissé de 5,5 milliards d’euros depuis 2021).
Environnement : comment les PRI favorisent les échanges dette-nature
Au cours des deux dernières décennies, les PRI ont joué un rôle actif dans l’alignement des investissements sur les critères du développement durable. De nombreux assureurs publics fournissant des PRI examinent les projets d’assurance investissement en fonction de leur impact sur les droits de l’Homme et l’environnement (voir l’Allemagne, les États-Unis et la MIGA). Depuis récemment, la PRI allemande intègre explicitement des considérations climatiques afin d’aligner le dispositif sur l’Accord de Paris. Elle classe désormais les projets d’investissement en trois catégories : verte (respectueuse du climat, éligible à un soutien renforcé tel que des taux réduits), blanche (neutre, soutien standard), et rouge (incompatible avec les objectifs climatiques, non-éligible au soutien).
L’utilisation la plus impressionnante des PRI en matière d’objectifs environnementaux concerne toutefois une vague récente d’échanges dette-nature. Ces échanges reprennent la dette souveraine existante de pays en développement (le Bélize en 2021 ; l’Équateur et le Gabon en 2023), soumise à des taux d’intérêt élevés, et la refinancent à un taux inférieur, libérant ainsi des fonds pour la conservation de l’environnement. La PRI joue un rôle crucial dans le fonctionnement de ces systèmes. La structure de ces échanges est complexe, mais peut être résumée ainsi : la PRI protège les créanciers contre un éventuel non-respect, de la part du débiteur souverain, d’une sentence arbitrale concernant le non-paiement de la dette. Cette couverture améliore à son tour la notation de la dette restructurée, réduisant les coûts d’emprunt et débloquant des fonds qui peuvent alors être utilisés pour la conservation de l’environnement. En simplifiant grossièrement, la PRI permet aux pays en développement d’emprunter à un taux proche de celui de l’assureur fournissant la PRI (ici, la Société de financement du développement international [DFC] des États-Unis). Dans le cadre de ces échanges, un consortium de parties prenantes, dont des organisations de protection de la nature, veille à ce que les fonds libérés soient utilisés aux fins prévues. En résumé, les échanges dette-nature sont des montages financiers bien pensés qui font une utilisation originale des PRI afin d’œuvrer tant pour l’allégement de la dette que pour la protection de la nature.
Comment en faire plus : utiliser les PRI pour réformer le régime d’investissement
Les États font déjà une utilisation innovante des PRI pour relever de nouveaux défis en matière de politique publique, mais cet outil reste sous-exploité lorsqu’il s’agit de réformer le régime d’investissement de manière plus générale. Il y a deux raisons principales à cela.
Premièrement, les décideurs en matière d’investissement ont tendance à mieux connaître les traités d’investissement que les PRI. Ce sont pourtant ces dernières qui devraient retenir l’attention. La transition énergétique, avec ses énormes besoins de nouveaux investissements en capital, en est la preuve. En effet, les AII font partie du problème : ils verrouillent la protection d’investissements existants dans les combustibles fossiles, qui doivent être progressivement éliminés. Les PRI, en revanche, font partie de la solution car elles utilisent des garanties publiques pour générer de nouveaux investissements privés. Elles peuvent ainsi diriger les capitaux vers des projets d’énergie renouvelable, notamment dans des pays en développement qui présentent par ailleurs un risque élevé. Les décideurs politiques devraient donc accorder moins d’attention aux AII et plus d’attention aux PRI pour relever les défis urgents en matière de politique publique.
Deuxièmement, l’interaction entre les AII et les PRI est mal connue et sous-estimée, ce qui exclut toute possibilité de réforme. Le régime d’investissement actuel est par nature inéquitable. La PRI, en tant que subvention à l’exportation de capitaux, pourrait en effet être un outil permettant aux pays développés de s’acquitter de leurs responsabilités différenciées, par exemple en faisant davantage pour lutter contre le changement climatique. Or les AII garantissent au contraire que les coûts de cette subvention sont répercutés sur les pays en développement, qui remboursent les États développés soit indirectement, par le biais des réclamations des investisseurs, soit directement par la voie diplomatique. Il est nécessaire d’adopter une approche différente. La couverture des PRI pourrait par exemple être élargie tandis que celle des AII serait réduite, afin de s’assurer que les pays développés restent responsables d’une partie du fardeau de la réduction des risques. Par ailleurs, les lois relatives au calcul des dommages dans les AII pourraient être modifiées afin de déduire au moins une partie des versements que les investisseurs touchent de leur pays d’origine sur les dommages payés par l’État hôte.
Il est certain en tout cas que la communauté des décideurs en matière de politique d’investissement devrait accorder plus d’attention aux PRI. C’est en effet là que repose la clé de la transformation du régime d’investissement.