L’UE publie une proposition pour la modernisation du TCE
Le 27 mai 2020, l’UE a publié une proposition portant sur la modernisation du TCE. La dernière mouture de la proposition de l’UE inclut la modification de la définition de l’investissement dans le traité, l’affirmation du droit des parties de réglementer, une définition plus stricte du TJE, et une référence à une cour multilatérale d’investissement. La proposition suggère également l’ajout de plusieurs articles sur le développement durable, les recours abusifs, le cautionnement pour frais, les interventions des tierces-parties, le financement par des tiers, et l’évaluation des dommages.
Cette proposition est le fruit de plusieurs cycles de discussions tenus entre les États membres de l’UE après l’approbation, par le Conseil européen en septembre 2019, des directives relatives à la participation de l’UE dans les négociations portant sur la modernisation du TCE. La Conférence de la Charte de l’énergie a déterminé, en novembre 2018, une liste de sujets à inclure dans le processus de modernisation.
Une copie du projet de proposition révisé, daté du 17 avril 2020, a été publiée par Euractiv.com, accompagnée d’une note explicative indiquant les mises à jour par rapport à la version précédente de mars. Les présentes nouvelles portent sur la dernière version en date, ainsi que sur la note explicative.
Définitions de l’investissement et de l’investisseur mises à jour
L’article 1(6) et (7) du TCE présente les définitions de l’investisseur et de l’investissement respectivement. L’UE propose d’ajouter les critères suivants à la liste des actifs du TCE « contrôlé[s] directement ou indirectement » par un investisseur : un investissement doit être d’« une certaine durée » et posséder « d’autres caractéristiques, telles que l’engagement de capitaux ou d’autres ressources, l’attente d’un gain ou d’un profit ou la prise de risques ». La note explicative précise qu’« une certaine durée » est un critère obligatoire, en contraste avec la version de mars. La proposition de l’UE précise en outre qu’« un simple prêt ou contribution financière » ne constitue pas un investissement.
Dans la proposition, le terme « investissement » fait référence à tout investissement réalisé conformément « au droit applicable et à la législation de la partie contractante d’accueil ».
Les investisseurs doivent être « engagés dans des activités commerciales substantielles dans le territoire de cette partie contractante ». Cette définition vise certainement à régler le problème de l’utilisation d’entreprises boîte aux lettres pour lancer des recours au titre du TCE, pratique fréquente des investisseurs néerlandais dans les différends au titre du TCE.
La proposition reflète les préoccupations environnementales
La proposition de l’UE inclut un nouvel article affirmant explicitement le droit des parties contractantes de réglementer afin d’atteindre des « objectifs politiques légitimes, tels que la protection de l’environnement, notamment la lutte contre le changement climatique », entre autres.
D’autres nouveaux articles mentionnent explicitement les engagements internationaux des États relatifs à la protection de l’environnement, tels que la Déclaration de Rio de 1992 et les ODD des Nations Unies, et réaffirment le droit des parties « d’adopter ou de maintenir des mesures nécessaires à la poursuite des objectifs » des accords environnementaux auxquels elles sont parties.
Une définition plus stricte du TJE
Actuellement, l’article 10(1) du TCE, portant sur la promotion, la protection et le traitement des investissements, inclut une référence au TJE, mais ne le définit pas. La proposition de l’UE met en avant une série de mesures qui constitueraient une violation du TJE, notamment :
(a) le déni de justice dans une procédure judiciaire nationale ; ou
(b) une violation fondamentale de la procédure légale établie ; ou
(c) un caractère manifestement arbitraire ; ou
(d) une discrimination ciblée fondée sur des motifs manifestement illicites, tels que le sexe, la race ou les croyances religieuses ; ou
(e) un traitement abusif, tel que le harcèlement, la contrainte ou la coercition.
Cette section de la proposition indique en outre que le tribunal peut tenir compte, s’il le souhaite, des « attentes légitimes » d’un investisseur à l’heure d’évaluer une éventuelle violation du TJE.
Le projet de dispositions sur le règlement des différends inclut une référence à une cour multilatérale des investissements et aux recours abusifs
L’article 26 du TCE prévoit le règlement des différends investisseur-État en vertu des règlements du CIRDI, du mécanisme supplémentaire du CIRDI, de la CNUDCI ou de la CCS. La proposition de l’UE inclut en outre la possibilité d’utiliser « le règlement d’une cour multilatérale d’investissement », qui ne figurait pas dans la version précédente de mars. La récente proposition indique également qu’aucun élément des révisions proposées n’a d’effets sur l’objectif de l’UE d’établir un système de cour des investissements.
La proposition suggère également un nouvel article prévoyant des procédures visant à faciliter le rejet des requêtes frivoles.
Autres nouveautés
La proposition fait référence à plusieurs autres sujets qui ne sont pas actuellement abordés par le TCE.
Le projet de proposition inclut un article sur les tierces parties, qui permettrait l’intervention de « toute personne physique ou morale capable de démontrer un intérêt directe et courant dans les conclusions de l’affaire ».
Au titre de la proposition de l’UE, les parties à un différend seraient tenues de divulguer tout éventuel financement par des tiers.
La proposition inclut également un nouvel article permettant à un tribunal d’ordonner au demandeur de verser un cautionnement pour tout ou partie des frais de la procédure « s’il existe des motifs raisonnables de penser que l’investisseur risque de ne pas être en mesure d’honorer, ou de ne pas le vouloir, une éventuelle décision sur les coûts à son encontre ».
La proposition contient en outre un article portant sur l’évaluation des dommages, qui indique que « les dommages pécuniaires accordés ne peuvent être supérieurs à la perte subie par l’investisseur » et que le tribunal « ne peut accorder de dommages punitifs ».
Finalement, la proposition inclut une annexe imposant plusieurs restrictions à la présentation de recours d’investissement découlant de la restructuration de la dette publique. La note explicative accompagnant le projet de texte d’avril indique que ces restrictions ont été incluses au regard de la pandémie de Covid-19.