Un tribunal du CIRDI décide à l’unanimité de rejeter un recours en expropriation compte tenu de l’absence de consentement écrit à l’arbitrage de la Papouasie-Nouvelle-Guinée

PNG Sustainable Development Program Ltd. c. l’État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée, Affaire CIRDI n° ARB/13/33

Dans une décision datant du 5 mai 2015, un tribunal du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) rejetait le recours de PNG Sustainable Development Program Ltd. (PNGSDP) contre la Papouasie-Nouvelle-Guinée fondé sur une allégation d’expropriation illégale. Selon le tribunal, la Papouasie-Nouvelle-Guinée n’avait pas donné son consentement écrit à l’arbitrage des recours au titre de la Convention du CIRDI.

Le contexte et les recours

Le différend portait sur l’investissement allégué de PNGSDP dans Ok Tedi, une mine de cuivre et d’or à ciel ouvert située en Papouasie-Nouvelle-Guinée. PNGSDP détenait la majorité de l’entreprise papouasienne qui disposait d’une concession minière pour la mine d’Ok Tedi.

En septembre 2013, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a promulgué la dixième convention minière complémentaire d’Ok Tedi, qui visait à annuler toutes les parts détenues par PNGSDP dans la mine, et à en émettre de nouvelles à l’État. PNGSDP prétendait que la promulgation de cette loi équivalait à une expropriation abusive sans indemnisation, et a entamé un arbitrage en décembre 2013, sur la base de deux lois nationales papouasiennes : la loi sur la promotion de l’investissement (LPI) de 1992, et la loi sur la convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements (LCDI) de 1992. L’entreprise avançait également des violations de la norme de traitement juste et équitable, de la garantie du libre transfert des capitaux, de la norme relative à la protection et la sécurité intégrales, de la norme du traitement national, entre autres violations des deux lois.

Compétence : la Papouasie-Nouvelle-Guinée a-t-elle « consenti pas écrit » à l’arbitrage du CIRDI ?

Dans le cadre des recours de PNGSDP, la question préliminaire consistait à savoir si le pays avait « consenti par écrit » à l’arbitrage, prescription juridique au titre de l’article 25 de la Convention du CIRDI (para. 44). PNGSDP avançait que cette prescription était remplie puisque l’article 39 de la LPI, pris séparément ou conjointement avec l’article 2 de la LCDI, constituait une offre permanente de la Papouasie à l’arbitrage des différends relatifs aux investissements au titre du CIRDI.

L’article 39 de la LPI indique : « La loi sur la convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements de 1978, qui met en œuvre [la Convention du CIRDI], s’applique, conformément à ses dispositions, aux différends portant sur l’investissement étranger » (para. 46). L’article 2 de la LCDI prévoit : « Un différend ne sera pas envoyé devant le Centre [le CIRDI] à moins que le différend ne soit fondamental à l’investissement lui-même » (para. 47).

La Papouasie-Nouvelle-Guinée argua qu’aucune des deux dispositions ne constituait un « consentement écrit » au titre des normes juridiques nationales ou internationales : l’article 39 de la LPI indiquait simplement que la LCDI « s’appliquait, conformément à ses dispositions ».

Les parties n’étaient pas d’accord quant aux normes interprétatives que le tribunal devait utiliser pour examiner les dispositions contestées.

Le pays affirmait qu’une interprétation littérale de la LPI et de la LCDI était appropriée au titre du droit tant national qu’international, et demandait au tribunal d’examiner le « sens grammatical et ordinaire des mots » (para. 52). En outre, il considérait que le tribunal devait adopter une approche restrictive, arguant que le consentement écrit de l’État à l’arbitrage devait être « clair et sans ambigüité » (para. 56).

PNGSDP contra qu’il était plus exact d’interpréter l’article 39 de la LPI comme dans l’affaire SPP c. l’Égypte, où le tribunal affirmait que les instruments juridiques devaient être interprétés de manière « ni trop restrictive ni trop large, mais plutôt de manière objective et de bonne foi » (para. 108). L’entreprise invoqua le principe de l’effet utile de l’interprétation des traités, qui affirme qu’un texte devrait être lu de manière à pouvoir attribuer une raison et un sens à chaque mot du texte (para. 252). PNGSDP a également proposé une approche très similaire à celle de la Convention de Vienne, qui permettrait au tribunal d’utiliser d’autres facteurs interprétatifs, tels que la bonne foi, l’objet et le but de la soi-disant déclaration unilatérale de la Papouasie dans sa législation nationale sur l’investissement, les circonstances autour de la déclaration, et la conduite ultérieure du pays pouvant en préciser le sens. Faisant de nouveau référence à l’affaire SPP, PNGSDP affirma également que les documents officiels de promotion des investissements, en particulier les déclarations figurant sur les sites Internet de l’autorité papouasienne de promotion des investissements et de son ambassade aux États-Unis, devait être utilisés pour interpréter la législation nationale en la matière.

Le tribunal se rangea du côté de PNGSDP et était d’accord avec la décision du tribunal de l’affaire SPP selon laquelle les instruments juridictionnels doivent être interprétés de manière objective et neutre, plutôt que de manière large ou restrictive. Il détermina qu’il était reconnu que l’on ne pouvait préjuger de la compétence du tribunal au titre de la Convention du CIRDI, et qu’il n’y a pas plus grande exigence de la preuve que celle d’un accord à l’arbitrage. Il conclut que la norme de la preuve est, dans la plupart des cas, « la prépondérance de la preuve ou un équilibre de probabilités » (para. 255). Le tribunal considéra également que « l’historique législatif des dispositions et les documents de promotion des investissements faisaient partie du contexte pertinent dans lequel la législation avait été adoptée et comprise » (para. 274).

Selon le tribunal, lorsque la législation nationale a à la fois des effets au plan national et au plan international, les dispositions législatives sont de nature « hybride », et doivent donc être interprétées d’un point de vue hybride, tenant à la fois compte du droit national et du droit international. Lorsque les deux sources s’opposent, ce sont en général les principes du droit international qui prévalent, même si cela doit être déterminé au cas par cas. Le tribunal était également d’accord avec PNGSDP pour dire que le principe de l’effet utile de l’interprétation législative s’appliquait à l’interprétation des dispositions « hybrides ». Il conclut que, bien que l’interprétation par un État de sa propre législation a « incontestablement un poids considérable, elle ne suffit pas à définir la décision du Tribunal quant à sa propre compétence » (para. 273).

Après avoir examiné l’article 39 de la LPI, le tribunal conclut que « le sens naturel et ordinaire [de la clause] constitue une déclaration selon laquelle les dispositions – toutes les dispositions – de la LCDI s’appliquent aux investissements étrangers » (para. 286). Aussi, l’article 39 ne peut vraisemblablement pas être interprété comme satisfaisant à la prescription spécifique du consentement écrit à la compétence du CIRDI au titre de l’article 25 de la Convention du CIRDI.

S’agissant de l’article 2 de la LCDI, le tribunal détermina que la disposition prévoyait clairement que le consentement futur serait nécessaire pour soumettre des recours au CIRDI. Il décida ensuite qu’aucune autre disposition de la LCDI ne constituait le consentement écrit de l’État à la compétence du CIRDI.

Le tribunal a refusé de se fonder sur les affaires Brandes Investment Partners c. le Venezuela, CEMEX c. le Venezuela, ConocoPhillips c. le Venezuela et SPP c. l’Égypte invoquées par les parties pour interpréter les dispositions, car celles-ci portaient sur des dispositions législatives différentes contenant un libellé distinct, et ne permettaient donc pas d’interpréter ce qui constituait le consentement écrit en l’espèce.

Bien que le tribunal considéra que le principe de l’effet utile pouvait s’appliquer à l’interprétation des dispositions, il rejeta l’argument de PNGSDP selon lequel l’article 39 de la LPI devait être lu comme « entrainant l’application de fait de la Convention du CIRDI au différend » (para. 306). Même s’il admit qu’il fallait tenir compte des déclarations des États, et que les interprétations créant la redondance ou l’inutilité de certains sens ou dispositions devraient être évitées, il convint avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée que l’effet utile ne l’autorisait pas à réécrire les dispositions législatives. L’intention et la bonne foi des parties sont essentielles, tandis que l’effet utile « joue un rôle subsidiaire dans la détermination de l’intention » (para. 307). Le tribunal a fait la distinction entre les déclarations unilatérales des États, des affaires impliquant des traités bilatéraux négociés, affirmant que dans certains cas, la législation d’un État ne peut être qu’une « simple confirmation » (para. 309). Ici, le tribunal raisonna que la LPI visait à détailler le régime législatif général de l’État régissant les investissements étrangers. C’est pourquoi « il est utile de rappeler au lecteur (notamment les investisseurs et les tribunaux) qu’une loi promulguée antérieurement continue d’être en vigueur et d’avoir des effets » (para. 312).

Aussi, le tribunal détermina que la formulation de l’article 39 de la LPI, même en combinaison de l’article 2 de la LCDI, était insuffisante pour établir « le consentement écrit » de la Papouasie-Nouvelle-Guinée à l’arbitrage des recours au titre du CIRDI. Le tribunal a rejeté l’affaire du fait de son absence de compétence, et a ensuite refusé d’examiner d’autres objections juridictionnelles. Chacune des parties a été condamnée à payer ses propres frais de représentation et de se partager les coûts de l’arbitrage.


Remarques

Le tribunal était composé de Gary Born (président, nommé par le président du conseil administratif, de nationalité étasunienne), de Michael Pryles (nommé par le demandeur, de nationalité australienne, et de Duncan Kerr (nommé par le défendeur, de nationalité australienne). La décision est disponible sur http://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw4257.pdf.


Auteur

Marquita Davis est « Geneva International Fellow » de la Faculté de droit de l’Université de Michigan et contributrice du programme Investissement étranger et développement durable de l’IISD.

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